mercredi 13 juin 2012

Légère comme l’herte*? Ou légerte comme l’air?

[Mise à jour, 14 juin 2012, 23h27]

Cette semaine, je sors la linguiste en moi et tente de trouver une explication plausible au phénomène suivant : l’usage, un peu trop répandu, de l’adjectif légerte [sic] comme féminin de léger.

Qu’est-ce qui peut bien motiver pareille faute? Tentons de tirer des généralisations, pour voir si, un peu comme le font les enfants qui disent sontaient, ouvri ou tiendre, [triple sic] (à ne pas confondre avec Triple sec…!), il n’y aurait pas une règle générale, implicite, qu’on construirait en se basant sur la formation d’autres mots similaires, pour former avec -erte le féminin des adjectifs masculins en -er.

D’abord, qu’a-t-on comme adjectifs féminins finissant en -erte :
- verte (vert)
- ouverte (ouvert)
- couverte (couvert)
- inerte (invariable)
- alerte (invariable)

Ensuite, trouvons des adjectifs féminins finissant en -ère :
- première (premier)
- côtière (côtier)
- droitière (droitier)
- minière (minier)
- printanière (printanier)
→ Tous des adjectifs masculins qui se terminent par -ier.

- délétère (invariable)
- lanifère (invariable) [«qui porte de la laine»]
- laticifère (invariable) [«qui contient du latex»]
→ Tous des adjectifs à forme invariable… ce qui ne nous aide pas beaucoup ici.

Mais!
- mensongère (mensonger)
- particulière (particulier)
- potagère (potager)

→ Ah ha! Cette fois on tient quelque chose. On a ici des adjectifs masculins qui se terminent par -er, qui forment leur féminin en -ère. Eurêka!

À partir de ce [certes! (malheureusement pas le féminin de cert [sic]…)] mini-corpus, que peut-on observer?

1) D’abord, les adjectifs non invariables qui se terminent par -erte, bien que peu nombreux, sont tous construits d’après des adjectifs masculins se terminant par -ert, donc, prononcés [Er] (comme ‘air’), et non [e] (comme ‘et’). Ça exclut d’emblée notre léger

2) Ensuite, les adjectifs qui se terminent par -ère sont, quant à eux, souvent formés sur un masculin se terminant par -ier. Encore ici, léger serait en principe exclu. Mais, avec un peu de recherche (et d’aide d’une amie professeure de français! merci Mireille!), on peut constater (les mots en caractères blancs) que quelques adjectifs en -er au masculin forment bien leur féminin en -ère. Le couple léger-légère est donc légitime et «logique», d’une certaine façon.

Ainsi, si l’adjectif légère respecte un patron morphologique régulier (c.-à-d. une façon régulière de former un type de mot dans un contexte précis) propre à d’autres adjectifs similaires, d’où vient cette déformation de légerte [sic]?

Pour ma part, je ne vois pour l’instant qu’une seule explication : le nom légèreté est probablement le grand responsable de cette contamination : léger’télégerte [sic]. Qu’en pensez-vous?

[Pourtant, bien que le nom lié à l’adjectif fier soit fierté, je ne connais personne qui dise fierte [sic] au lieu de fière!]

Évidemment, vous aurez compris que tout ceci n’a rien de scientifique et que je ne fais que réfléchir avec vous à une explication plausible d’un phénomène langagier peu ou pas expliqué. Il est bien possible que je sois complètement dans l’erreur et qu’il y ait une [réelle?] explication à cette erreur courante. Je serais, à vrai dire, la première ravie de la découvrir.

N’hésitez pas à commenter si vous avez des pistes de réflexion ou des références à partager à ce sujet.

En attendant, rappelez-vous simplement d’utiliser légère plutôt que légerte [sic].

--
* Herte : mot inventé, pour l’euphonie du titre.

6 commentaires:

  1. Il n'y a pas de science de la langue (quoiqu'en disent les linguistes!!!), mais bien descendance (de racines grecques et latines) et usage ("plus on en mange, plus c'est frais", vous voyez le genre ?).

    Alors, n'hésitez pas... Écoutez, comparez et vous en trouverez sûrement la cause.

    (Je surprends toujours tout le monde qui s'offusque des gens de Trois-Rivières qui disent : « Ça vat être utile! » (avec liaison du vat et être). À quoi je répondrai toujours (correctement), « Sûrement que ce le sera! ». Pourtant, personne ne la "pôgne"! ;)

    RépondreSupprimer
  2. Je demandais si j'était correct mais il semble que ce n'est pas le cas.
    J'attribuais le mot " légerte" a un poid et légère au reste comme dans faible en gras ou aéré...

    RépondreSupprimer
  3. Je me suis fait corriger par une amie justement après avoir dit je suis plus légerte... pourtant si j'avais eu à l'écrire j'aurais correctement écrit légère. Je crois que tous ces mots mal accordés ou liaisons mal prononcées viennent tout simplement d'un langage incrusté appris depuis la tendre enfance. Notre cerveau dit quelque chose d'automatique parfois difficile à corriger surtout dans les échanges familiers. Voilà! Je connais des personnes qui disent toujours : elle sent bonne! Où ils jouaient...je ne m'en offusqué pas trop car je dis que cela fait partie du langage québécois et de nos racines. Nos parents ne parlaient point comme dans les livre. L'auteur Michel Tremblay et bien d'autres ont écrit leurs romans dans le langage du peuple. Ar contre, je suis plus pointilleuse sur le langage écrit.

    RépondreSupprimer
  4. Et écrire avec un téléphone mobile n'aide pas...dans mon précédent message je voulais écrire plutôt : ils jousent... merci

    RépondreSupprimer
  5. Selon moi, qui suit native du Lac-St-Jean, je crois simplement que les gens qui disent ´´légerte ´´ ont tout simplement enlevé le
    ´´é’´ de légèreté et omis le ´´e ´´.
    Ils devaient se dire que le féminin de léger devenait légerte comme vous l’expliquiez ci-haut...
    C’est juste une opinion personnelle, Merci!


    RépondreSupprimer
  6. Le francais d'ailleurs n'est pas nécessairement le francais d'ici ... c'est ce que je pense !

    RépondreSupprimer