mercredi 19 janvier 2011

De l’on en large

Que l’on se pose la question ensemble : à quoi sert cet étrange l’ dans la tournure que l’on? Il semble visiblement n’avoir aucun contenu sémantique, aucun référent. A-t-il alors une fonction grammaticale et si oui, quelle est-elle? Pourquoi écrire que l’on plutôt que qu’on?

Je me souviens avoir eu un prof de philo, au cégep, qui nous avait dit que ce l’ était archaïque, vieilli, qu’on (ou ‘que l’on’!) ne l’utilisait plus aujourd’hui.

Essayons d’éclaircir tout ça.

«Comme on était originairement un nom, il a gardé la faculté de prendre l’article l’ lorsque l’euphonie* le demande, principalement après et, ou, où, que, si et parfois après lorsque (cet l’ est regardé aujourd’hui comme simple consonne euphonique) :
Il faut que l’on consente. (Acad.)
Guenille, si l’on veut, ma guenille m’est chère. (Molière.)»(1)

Grevisse nous indique donc que ce l’ est principalement euphonique. Bien que ça soit vrai aujourd’hui, l’Office québécois de la langue française (OQLF) apporte une nuance importante dans son explication :

«Le l' qui accompagne parfois le pronom on est avant tout historique et non euphonique. On vient du nom latin homo «homme». Étant à l'origine un nom, on l'employait avec l'article défini l' (forme élidée de le). L'on avait déjà un sens indéfini et signifiait «l'homme en général, les hommes». Courante jusqu'au XVIIe siècle, cette forme est maintenant propre à la langue écrite, littéraire ou soutenue. L'emploi de l'on n'est jamais obligatoire, mais il convient dans les contextes où une langue soignée est de mise.

Dans la langue courante, l'on a été remplacé par on, sauf dans certains emplois pour des raisons d'euphonie. Ainsi, après les mots et, ou, où, qui, quoi et si, on préférera l'on à on pour éviter l'hiatus, c'est-à-dire la rencontre de deux voyelles; on dira par exemple : on choisit qui l'on veut plutôt que on choisit qui on veut. L'on est également préférable à on devant un verbe qui commence par con- ou com-; on dira ainsi : il faut que l'on concocte autre chose plutôt que il faut qu'on concocte autre chose.

Au contraire, encore pour des raisons d'euphonie, on évitera l'on après dont et dans un enchaînement de mots commençant par l. On écrirait ainsi : Les gens dont on ignore le nom plutôt que les gens dont l'on ignore le nom; si on le louait plutôt que si l'on le louait(2)

Par contre : «L’on en tête de phrase est une tournure vieillie.»(3)

Voilà qui est plus clair maintenant. Qu’on se le tienne pour dit!

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* Euphonie : «Ensemble de sons harmonieux.»(4) «LING. Harmonie des sons qui se succèdent dans le mot ou la phrase.»(5)
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(1) [GREVISSE, M. (1990). Précis de grammaire française, 29e édition. Éditions Ducolot, Paris.]
(2) Banque de dépannage linguistique de l’OQLF
(3)
[GUILLOTON, N. & H. Cajolet-Laganière (2005). Le français au bureau, 6e édition. Les publications du Québec.]
(4) [DE VILLERS, Marie-Éva (2007). Multidictionnaire de la langue française, 4e édition. Éditions Québec Amérique inc.]
(5) [Le nouveau Petit Robert, édition 1993. Paris.]

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