mardi 18 mai 2010

La règle grammaticale, enseigne-moi-la!

[Initialement publié sur le blog Mauvaise langue!]

Cette semaine, une publicité télé m’a à nouveau fait friser les oreilles (vous me direz sûrement que c’est pcq j’écoute trop de télé que les oreilles me frisent…) : on y parlait de produits alimentaires préparés au Québec et l’annonce se terminait sur : «Procurez-vous-les!»

Convaincue qu’il s’agissait là d’une grossière erreur grammaticale (bien que la forme soit plutôt répandue à l’oral et pas nécessairement jugée fautive pour autant), j’ai empoigné mon Grevisse, cherchant avidement la règle qui donnerait tort à la pub.

GREVISSE
«Si un impératif sans négation a deux pronoms compléments d’objet, l’un direct, l’autre indirect, on place le complément d’objet direct le premier : Dites-le-moi.»(1)

«Ah ha!» me disai-je triomphante. …Jusqu’à ce que j’aperçoive la suite :

«Toutefois, il arrive qu’on ait l’ordre inverse : Rends-nous-les. (Hugo.)»(1)

Moi qui préfère quand les choses sont claires, inambiguës, j’ai été vaguement déçue de cet usage «flottant». Mais à vrai dire, j’étais aussi un peu sceptique. Ce qui m’a amenée à chercher d’autres références, sur le Web.

BANQUE DE DÉPANNAGE LINGUISTIQUE DE L’OFFICE QUÉBÉCOIS DE LA LANGUE FRANÇAISE (OQLF)
«Dans une phrase affirmative, lorsqu'un verbe à l'impératif est employé avec deux pronoms, celui qui est complément direct se place immédiatement après le verbe, suivi du pronom complément indirect. Notons qu'il y a un trait d'union entre le verbe et les pronoms. […]

Exemples :
- Ce livre est à nous. Rends-le-nous. (Rends-nous quoi? ce livre : le, mis pour livre, est complément direct; Rends ce livre à qui? à nous, complément indirect)
- Cette lettre est pour elles. Adresse-la-leur. (Adresse leur quoi? cette lettre : la, mis pour lettre, est complément direct; Adresse la lettre à qui? à leur, complément indirect)

[…]

On rencontre parfois l'inversion de l'ordre habituel des pronoms dans une phrase impérative, surtout à l'oral. Il est toutefois préférable d'éviter cet usage, surtout dans la langue écrite.

Exemples :
- Cet ouvrage est à moi. Donne-le-moi. (et non : donne-moi-le)
- Nous avons acheté des meubles ici il y a déjà trois semaines. Livrez-les-nous dès que possible. (et non : livrez-nous-les(2)

À L’OQLF, on recommande donc clairement d’éviter, au moins à l’écrit, la tournure entendue dans la pub (tournure «orale», me direz-vous? certes; par contre, le niveau de langue des pubs narrées se situe habituellement plus près de la langue écrite que de la langue orale). Dans les différents ouvrages didactiques sur le français que j’ai trouvés sur le Web, on semblait aussi abonder dans le sens de l’OQLF.

Il semble donc qu’il vaille mieux privilégier la forme verbe-COD-COI à l’écrit (ou en contexte plus «formel»), alors que les formes verbe-COD-COI et verbe-COI-COD concurrencent à l’oral.

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(1) [GREVISSE, M. (1990). Précis de grammaire française, 29e édition. Éditions Ducolot, Paris, p.116.]
(2) Banque de dépannage linguistique de l'Office québécois de la langue française

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