[Initialement publié sur le blog Mauvaise langue!]
Mise en situation
Cette semaine, mon préambule sera une tranche de vie :
Correctrice pour une entreprise qui émet des documents officiels aux tournures vaguement légales, je m’étais par le passé gaussée de la tournure «y afférent(es)», dans une phrase comme : Je vous présente l’analyse et les autres documents y afférents (on sous-entend ici les documents afférents à l’analyse). Il m’apparaissait alors évident, sans trop y réfléchir, que la tournure correcte était soit …les documents afférents, soit …les documents y afférant, puisque je considérais y comme un pronom utilisé pour remplacer un complément de verbe, complément qui aurait suivi la préposition à : Je vais à Montréal → J’y vais; Je peux me fier à Louis → Je peux m’y fier.
GREVISSE
«En et y sont pronoms personnels quand, représentant, soit un nom de chose ou d’animal, soit une idée, ils équivalent, le premier à un complément construit avec de, le second à un complément construit avec à ou dans.»(1)
Mon (pres)sentiment était donc qu’il fallait nécessairement qu’il y eût un verbe pour qu’on puisse utiliser y. Je ne concevais pas qu’on puisse utiliser pareil pronom avec un adjectif, et pour qu’afférent devienne verbe, il fallait alors qu’on l’utilise sous la forme d’un participe présent. J’attribuais donc l’erreur de la forme y afférent(es) à une vulgaire erreur basée sur le caractère identique, à l’oral, d’afférent et afférant. Tout semblait logique.
La méprise
Eh bien mes chers amis lecteurs, j’ignore combien d’entre vous étiez au courant de ce que je m’apprête à vous révéler au détour de l’hyperlien ci-dessous, mais il semble que j’étais dans l’erreur la plus totale et époustouflante et que la tournure y afférent(es), qui a d’abord suscité l’hilarité chez mes amis-z’et-collègues correcteurs et moi, est bel et bien correcte! Et pire encore, je découvre qu’une de mes suggestions de correction mentionnées plus haut est, elle, fautive. Comme quoi l’instinct du correcteur est parfois son pire ennemi!
L’explication
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L’application
Le pronom y peut donc tout aussi bien être utilisé avec un adjectif qu’avec un verbe, pour autant que cet adjectif appelle un complément qui suit la préposition à : les informations relatives à ce travail → les informations y relatives (détail amusant : aveuglée par la cohérence de mon analyse syntaxique initiale, j’avais d’abord négligé le fait que le verbe «afférer (à)» n’existe pas; impossible, donc, de créer la forme afférant).
J’adoooore notre belle langue française pour ça : alors qu’on croit en maîtriser presque toutes les finesses, elle nous surprend tout à coup avec des fioritures qui nous avaient échappé jusque-là. :) C’est là une belle leçon d’humilité, qui me rappelle qu'il est important de douter et qu’il est essentiel de toujours retourner aux sources.
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(1) [GREVISSE, M. (1990). Précis de grammaire française, 29e édition. Éditions Ducolot, Paris, p.119, paragraphe 243.]
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