mercredi 4 avril 2012

À chaque jour suffit sa peine

Aujourd’hui, je m’intéresse à une tournure utilisée possiblement à chaque jour; si courante qu’on ne soupçonne peut être même pas son caractère fautif…
Pour exprimer la périodicité, on a souvent recours à l’adjectif indéfini chaque suivi d’un nom singulier, ou aux adjectifs indéfinis tous ou toutes suivis de l’article les et d'un nom pluriel. Les compléments qui expriment la périodicité se construisent généralement sans préposition. Bien qu’on les trouve chez de grands écrivains, les constructions à chaque, à tous et à toutes sont considérées comme vieillies ou littéraires dans les ouvrages de référence. Ces usages sont toutefois encore courants au Québec.

Exemples :
- Chaque matin, il part à 7 heures. (plutôt que à chaque matin)
- Cet événement réunit chaque année la crème des écrivains. (plutôt que à chaque année)
- Il essaie de la charmer chaque fois qu'il la rencontre. (plutôt que à chaque fois)
- Il quitte le bureau très tard tous les soirs. (plutôt que à tous les soirs)
- Pierre joue au badminton tous les mercredis. (plutôt que à tous les mercredis)

On constate toutefois que l’emploi de la préposition à est d’un usage courant, voire obligatoire, dans les expressions à chaque instant, à chaque moment, à tout instant et à tout moment.

Exemples :
- Je pense à toi à chaque instant.
- N’hésite pas à m’appeler à tout moment du jour ou de la nuit.

L’emploi de chaque suivi d’un adjectif numéral et d’un nom au pluriel est également critiqué. Bien que certains auteurs acceptent ce tour en affirmant qu’une indication numérique au pluriel peut être traitée comme un ensemble singulier, la majorité s’entend pour dire que cette tournure est fautive. On emploiera plutôt tous les ou toutes les pour exprimer la périodicité avec un nom pluriel.

Exemples :
- Chloé se lave les cheveux tous les deux jours. (plutôt que chaque deux jours)
- Elle s’achète de nouveaux vêtements toutes les deux semaines. (plutôt que chaque deux semaines)

On peut toutefois employer chaque suivi d’un adjectif numéral ordinal et d’un nom.

Exemple :
- Chaque deuxième année de vie de couple, il remet tout en question.(1)
Vous aurez évidemment compris que la faute dans mon introduction (à chaque jour) était délibérée… L’aviez-vous repérée?
À tous les deux ou trois ans, on remet ça sur le tapis.

On ne devrait pas faire précéder une expression de périodicité (seconde, minute, heure, jour, semaine, mois, année) des locutions à tous les, à toutes les et à chaque. Il aurait été préférable de dire : Tous les deux ou trois ans, on remet ça sur le tapis.(2)
Doit-on en conclure que le proverbial À chaque jour suffit sa peine, tiré du Nouveau testament, est fautif? Bien sûr que non. Ici, la préposition à est requise à cause du verbe suffire (on suffit à qqch.), puisqu’on a affaire à une inversion : Sa peine suffit à chaque jour.

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(1) Banque de dépannage linguistique de l’Office québécois de la langue française
(2) BERTRAND, Guy. Le français au micro.

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