mercredi 21 septembre 2011

Consensus collectif difficile

Aujourd’hui, j’aborderai le sujet épineux de l’accord du verbe qui suit un nom collectif ayant un complément pluriel, accord qui me donne souvent de sérieux mots de tête. «Un nom collectif est un nom singulier qui représente un ensemble d’éléments»(1), c’est-à-dire qu’il «désign[e] sous une forme au singulier un ensemble ou une collection d’êtres ou d’objets [et] a pour complément un substantif au pluriel»(2).

Il semble qu’il y ait une règle de base à appliquer, mais qui n’est pas nécessairement efficace à tous les coups, et qu’on doive plutôt se fier à notre jugement. Les ouvrages de référence nous indiquent ainsi que «[l]e verbe (ou l’adjectif) reste au singulier quand le collectif est précédé de l’article défini ou d’un adjectif démonstratif ou possessif »(3). Le Français au bureau(1) nous énonce la même règle, mais en spécifiant pour sa part que dans pareils cas, «l’accord se fait généralement avec le collectif»(1). Ce généralement est passablement important, comme nous le démontreront les explications qui suivent, puisqu’on avance aussi que «[t]rès souvent le singulier et le pluriel sont possibles : La majorité des députés a ou ont voté la censure.»(2)

Quant à l’accord lorsque le collectif est précédé de un ou une, nos références font plus ou moins consensus. D’un côté on nous dit que «[a]près un collectif précédé de un ou une, l’accord se fait le plus souvent avec le complément»(1), et de l’autre on avance que «l’accord se fait soit avec le collectif (le verbe se met alors au singulier), soit avec le complément (le verbe se met au pluriel), selon que l’un ou l’autre mot frappe ou doit frapper plus l’esprit»(3). On semble ici, encore plus qu’avec l’article défini, avoir le choix.

Ce qui paraît donc important de reternir, c’est que c’est fondamentalement le sens qui appelle l’accord. «Avec l’accord au singulier, on envisage [le collectif] comme un bloc»(2), alors qu’«avec l’accord au pluriel […], on considère la pluralité, l’addition des [individus ou des objets]»(2). Le choix de l’accord pourra donc témoigner «le sens ou l’intention quant à l’état ou à l’action exprimée par le verbe»(1). Si l’on revient à l’exemple utilisé précédemment, La majorité des députés a voté n’aura pas exactement le même sens que La majorité des députés ont voté : les deux phrases sont grammaticalement correctes, toutefois la première met l’accent (et non l’*emphase) sur les députés comme formant une entité, un tout, alors que la deuxième souligne plutôt la pluralité des votes de chacun des députés.

Enfin, certaines expressions appellent toutefois systématiquement soit le singulier, soit le pluriel.
Après la majorité de, la totalité de, le verbe se met généralement au singulier. Après une majorité de, un minorité de, une quantité de, quantité de, l’accord du verbe se fait généralement avec le complément.

Après la majeure partie de ou des, l’accord du verbe se fait avec le complément.

Après les collectif la plupart des, beaucoup de, bien des, une infinité de, trop de, combien de, tant de ou nombre de, l’accord du verbe se fait avec le compléments exprimé ou sous-entendu.

Après d’autres collectifs ou d’autres noms exprimant une quantité (comme dizaine, nombre, pile, tas, etc.) suivis d’un complément, l’accord se fait souvent avec ce complément. Il faut toutefois tenir compte du sens donné aux divers éléments de la phrase. Dans bien des cas, les deux accords sont possibles.

Après un collectif ou une expression exprimant la quantité comme la plupart, un grand nombre, beaucoup, plusieurs, etc., ayant pour complément le pronom nous ou vous, le verbe se met presque toujours à la troisième personne du pluriel. Toutefois, après la plupart d’entre nous, le verbe peut se mettre à la première personne du pluriel pour souligner que la personne qui parle ou écrit s’inclut dans le groupe.(1)
En espérant que, bien que je n’aie pu vous fournir une «recette magique» expliquant de façon non ambiguë dans quelles circonstances l’accord du nom collectif doit être fait soit au singulier, soit au pluriel, que vous ayez toutefois apprécié ces précisions qui devraient vous aider à vous démêler un peu, dorénavant. Sur ce, bons accords!

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(1) [GUILLOTON, Noëlle et Hélène CAJOLET-LAGANIÈRE (2005). Le français au bureau, 6e édition. Les publications du Québec.]
(2) [COLIN, Jean-Paul (2006). Dictionnaire des difficultés du français. Éditions Le Robert, collection Les usuels, Paris.]
(3) [THOMAS, Adolphe V. (2007). Dictionnaire des difficultés de la langue française. Éditions Larousse, Paris.]

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